Dans la liste des clichés qui ont la peau dure autour de l’artiste, citons pêle-mêle : la pauvreté, l’introversion, la phobie administrative, l’étourderie et le carnet de croquis greffé à la main.
Dans l’imaginaire collectif, l’artiste ne se sépare jamais de son carnet, réceptacle à idées aux pages noircies de notes. Le « sketchbook » devient un objet presque mystique, infusé de l’essence de son propriétaire, à l’image des carnets de Léonard de Vinci.
Léonard, sans le savoir, tu nous en fais du mal…
Pour être honnête avec toi, je suis fortement imprégnée de ce cliché. Depuis des années, je cherche LE carnet unique, celui dans lequel mon âme d’artiste va se révéler. Sans succès, bien entendu. Comment pourrais-je tisser un lien avec un objet que je hisse sur un tel piédestal ?
Aujourd’hui, je vais essayer de dédramatiser ce rapport à mes carnets. Si tu te sens concerné.e, regarde donc cette vidéo.
Pourquoi utiliser un carnet de croquis ?
C’est vrai, ça ? Pourquoi s’embêter à utiliser un carnet quand on peut s’entraîner sur des feuilles volantes ? Si on n’est pas content, on les jette et on recommence !
Déjà, je ne sais pas pour toi, mais dès les cours d’art-plastiques, on m’a enseigné qu’il fallait avoir un carnet. Dans les fournitures demandées au collège et au lycée, c’était obligatoire. Genre l’accessoire indispensable.
L’avantage du carnet, c’est qu’il permet de garder le fil de la progression. On peut comparer notre travail des premières pages avec les dernière et constater qu’on a déjà évolué. Tu le dates, tu l’archives et quand tu le ressors des années après, tu te félicites du chemin parcouru.
Ça c’est dans la vie idéale de l’artiste organisé.
Dans ma vie à moi par exemple, je ne sais pas finir un carnet. Je commence, je m’aperçois qu’il ne me convient pas et je passe à un autre. Impossible de suivre quoi que ce soit dans ces conditions.
Le pourquoi, je le comprends bien, mais mon cerveau est incapable d’appliquer concrètement. Et ce pour des raisons très simples.
Je suis un être humain sensible au marketing
Comment s’attacher à remplir un seul carnet quand l’offre s’étale devant toi dès que tu mets les pieds dans un magasin d’art ? « Tiens, si j’essayais cette taille, ce type de papier ? » Chaque fois que tu achètes un carnet, tu te dis que ce sera le bon. Jusqu’à la prochaine visite.
Je veux qu’il soit suffisamment beau pour figurer sur les réseaux sociaux
Là encore, mon cerveau se laisse influencer par les milliers de publications d’artistes qui partagent les pages de leurs « sketchbook ». J’utilise des guillemets parce que vu le niveau de travail de certaines pages, on ne peut plus utiliser cette appellation. Parlons livre d’art si on veut. Le sketchbook, à mon sens, est un outil de travail et de recherche. En théorie, il ne faudrait même pas montrer son contenu à quiconque, puisqu’on est dans une relation d’introspection dans son carnet de travail.
Mais bon, je sais à quel point il est tentant de partager ses dessins sur internet. Au fond, on voudrait tous avoir des retours sur son travail, on a perdu l’habitude de travailler seul. Avec l’essor des blogs, des sites comme Deviant Art et d’Instagram, les artistes n’ont jamais été plus proches de leur public – et aussi angoissés par la pression du like.
Mes conseils « bien être créatif » du jour :
Tiens 2 carnets.
L’un qui restera purement privé, une zone de travail intime et dépourvue de tout jugement. C’est dans ce carnet que tu vas chercher ta patte, ta voix d’artiste et ton trait. Protège son accès, ne laisse personne regarder par-dessus ton épaule quand tu te plonges dedans. Il est à toi, c’est ta zone d’errance artistique.
L’autre carnet, tu peux le destiner à partager ses pages avec le monde. Travaille un peu plus tes croquis, montre ce que tu apprends dans le premier carnet, raconte ton parcours sans dévoiler l’intégralité des coulisses. Cela te permet de te protéger tout en montrant ta progression à ta communauté.
Sois bienveillant.e envers toi-même :
Garde à l’esprit que l’art n’est pas une compétition entre artistes. Si tu veux publier tes dessins, n’en fais pas un truc douloureux. Amuse-toi, cultive la légèreté, parle de tes dessins avec affection et bienveillance. Surtout ne te dévalorise pas en mode : « Ce que je fais est tellement moins bien qu’untel » . Donne envie aux autres de te soutenir en commençant par te soutenir toi !
Allez raconte-moi tout : comment ça se passe entre toi et tes carnets ?
Ces articles devraient te plaire :
La Catrina | Une aquarelle… mortelle !
La Catrina | Une aquarelle… mortelle ! La Catrina appartient à la mythologie mexicaine, en particulier au jour des morts. Rien d’étonnant à ce que je la peigne pour accompagner la transition entre Halloween et La Toussaint. En ce moment, je suis dans une série...
Aquarelle d’Halloween | Lune rousse
Halloween approche et pour une fois, je me lance dans une illustration à l’atmosphère légèrement horrifique. Enfin on dira fantastique un peu sombre car tu me connais, je ne suis pas une adepte de l’horreur au sens gore du terme.
Process créatif | Ronde de nuit
Process créatif | Ronde de nuit Et voici Ronde de nuit, la petite dernière de la collection féerie automnale. Comme ses sœurs, il s’agit d’une aquarelle originale et unique, peinte sur papier Arches. Avant d’entrer dans le vif du sujet, sache que tu peux retrouver les...
Marie-Gaëlle
Artiste indépendante - Illustratrice
Illustratrice de L'Oracle des Gardiennes sacrées aux Editions Eyrolles.
Créatrice d'univers féeriques, féminins et délicieusement érotiques à l'aquarelle.
Rejoins Libre comme l'art, ma newsletter pour avoir accès aux coulisses les plus croustillantes de mon atelier d'art.
Alors je te rassures (ou pas), c’est un dilemme que rencontrent aussi les écrivains qui n’ont aucun don pour le dessin ou la peinture.
Je rêve d’un carnet d’écriture aussi beau que les carnets des grands voyageurs écrivains du XIXe siècle.
Mais c’est impossible.
Et puis le grand défi, pour moi, c’est surtout : comment retrouver une note écrite il y a des années ?
Avec du papier je n’y suis jamais arrivé.
Tu fais comment, d’ailleurs, pour ranger tes carnets ? Par année, par thème ?
Si tu veux retrouver un dessin particulier, une étude, un croquis, tu cherches dans tous ou tu sais déjà dans lequel tu as travaillé il y a des années ?
J’ai cru comprendre que tu n’avais pas des carnets d’une seule taille, mais en fait tu préfères quoi ? Le A4 ? Mais c’est grand, non ?
Moi j’ai commencé à résoudre mes problèmes quand j’ai accepté que l’écrit papier n’était pas fait pour moi dans ce but.
Il m’a fallu passer à l’écrit virtuel. Pas seulement dactylo mais aussi écrit avec un stylet sur ma tablette. Avec la ROC qui s’est démocratisée, ça me permet d’allier le geste naturel de l’écrit au stylo (que j’aime quand je prends des notes) au classement et à la recherche possible même dans le texte manuscrit (quand le logiciel reconnaît mon écriture hiéroglyphique, cela va sans dire…)
Héhé, pour les écrivains, je ne le sais que trop hélas ^^ ! Et je te rejoins pour la question de retrouver ses notes. J’adore le papier, mais c’est une galère de rassembler les notes prises au fil de l’eau sur un projet. Actuellement, je reprends les bases de ma série et je suis encoooore dans un carnet. Je suis irrécupérable.
Pour le rangement des carnets de dessin, j’ai un système très élaboré à base de « je te colle dans l’étagère et on verra plus tard ». Par contre, j’ai une excellente mémoire et si je dois retrouver un dessin, sois sûr que je le retrouve. Mon format préféré est effectivement le A4, mais c’est difficile à transporter. Et le A5 est trop petit. La vie est mal fichue 🙂
Ça a l’air super la ROC, du coup ça te permet de numériser toutes tes notes de cette façon ? C’est un peu comme les tablettes Cintiq pour les artistes, tu dessines avec le stylet, c’est hyper confort. Mais tellement onéreux ! Je crois que j’aurais peur d’emmener le matériel en balade. Je suis moins stressée avec un brave carnet-stylo.
Depuis peu, en effet, la ROC me permet de rechercher un mot précis dans mes notes, qui sont aussi classées par « tags » dans un logiciel.
Je peux ainsi mieux retrouver ce que je veux.
Il me reste à trouver la combo ultime pour pouvoir aussi retrouver des liens internet, mes signets, des notes écrites, des images, etc.
J’ai une piste sur un système intégrant plusieurs logiciels (et sans Evernote car un abonnement de plus et pour voir mes notes fuiter dès qu’ils auront une faille de sécurité, j’ai pas trop envie).
Mais à l’instar de Lionel Davoust, ma quête est un peu celle de la quadrature du cercle…
Le problème des Cintiq c’est le prix du matériel qui en fait quelque chose d’assez précieux. Et je ne sais pas si ça remplace le toucher du papier.
Reste la possibilité de trouver un logiciel (je ne sais pas si ça existe vraiment mais sur Mac j’avais trouvé un petit utilitaire qui était un bon début malgré ses imperfections), qui pourrait transformer un dessin en vectoriel à la numérisation.
Il n’y a pas Inkscape qui vectorise facilement ?
Ça vectorise… si tu fais le boulot toi-même…
J’avais trouvé un petit utilitaire sur Mac qui vectorisait seul (mais pas très bien, c’est vrai… il était gratuit) selon des paramètres que tu pouvais déterminer toi-même.
Ces outils qui ne veulent pas bosser seuls, c’est tellement décevant ^^