Peindre du nu en 2022, bonne ou mauvaise idée ?
Je ne devrais même pas avoir à me poser la question, pourtant ça me travaille. Depuis que je me suis lancée comme artiste indépendante et illustratrice, je me pose la question.
Où est passée la liberté créative dont je disposais quand l’art n’était pas mon métier ?
Tu sais, à l’époque où ça ne me posait pas de problème de peindre ceci :
Pourquoi le nu est mal vu
- Personne n’achètera ça !
- Arrêtons de sexualiser le corps féminin.
- Les gens n’osent plus afficher de nu dans leur salon, alors qu’ils adorent ça en secret.
- Tu seras shadowban sur Instagram
- Les internautes un peu chatouilleux se feront une joie de signaler ton compte pour qu’il soit fermé.
- Parce que le nu, c’est du porno, voyons !
Pourquoi je continue à peindre du nu en 2022
J’ai failli écouter les arguments moisis ci-dessus. En vrai, je les ai écoutés pendant un moment. Je créais pour satisfaire Instagram et j’ai commencé à auto censurer mon travail.
Ce n’est pas confortable de se bâillonner, tu sais. Chassez le naturel, il revient au galop.
En 2022, j’ai recommencé à peindre du nu et à le mettre dans la boutique.
Facebook et Instagram suppriment régulièrement mes créations de leur système de shopping dès qu’on voit un bout de téton qui dépasse.
J’ai retiré ces applis de mon téléphone. Ça m’a fait peur, bien sûr. On m’a survendu le fait qu’Instagram est indispensable aux artistes modernes.
C’est faux !
Je ne peux pas travailler avec des « partenaires » qui considèrent mon travail comme inapproprié. Le corps féminin n’a rien d’inapproprié.
Ce n’est pas à moi de changer mon art. Je veux continuer à représenter le corps féminin sous toutes ses formes.
J’ai lancé une précommande de tirages d’art pour mes nymphes sylvestres. Je n’en fais pas la promo sur Instagram. J’en ai parlé aux abonnés à ma newsletter et sur Twitter.
Devine laquelle suscite le plus d’intérêt ?
La plupart des réseaux sociaux ne sont pas les amis des artistes. Leur intérêt est de vendre des encarts publicitaires, pas de mettre en avant des créations. Sans nier les défauts de Twitter, c’est pour le moment l’une des seules plateformes qui ne censure pas les oeuvres d’art.
Twitter offre la possibilité de poser un filtre pour prévenir les internautes d’un contenu qui pourrait les déranger. L’artiste choisit de l’utiliser ou pas.
Je trouve qu’on donne beaucoup trop de pouvoir à Instagram dans notre communication. Le pouvoir de contrôler où les artistes publient, mais aussi ce qu’iels publient.
Et petit à petit, le corps féminin (entre autre) est perçu par les internautes comme dérangeant.
C’est ce qui me pousse à utiliser ma propre plateforme, même si elle n’est pas encore très connue. Je pense que chaque artiste devrait avoir son site internet et limiter sa dépendance aux réseaux sociaux.
C’est sans doute utopique, mais je suis quelqu’un d’optimiste.
Regagnons notre liberté créative.
Moi je retourne peindre des madames toutes nues.
Tu as parfaitement raison. En tant qu’autrice je n’utilise Instagram que pour mon inspiration. Je ne publie pas et je ne cherche pas à avoir des abonnements. Je suis sur Twitter car j’y ai une petite communauté toute mimi, j’ai les infos dont j’ai besoin.
En ce moment je construis mon site et ma newsletter. Je trouve cela plus rassurant de maîtriser même si c’est plus long de se faire connaître au moins je ne dépends que de moi-meme.
Bon courage ! Et longue aux madames nues.
Je suis tellement contente que tu bâtisses ta plateforme à toi en complément de Twitter ! Vraiment, je pense que tu fais un excellent choix pour l’avenir. Il faut de la patience pour récolter les fruits de ton travail, mais tu seras tellement heureuse d’avoir commencé maintenant ! N’hésite pas à me solliciter si tu as besoin de conseils, ce sera avec plaisir.
C’est super intéressant, ce que tu soulèves là !
Perso, je fais partie des gens qui ont toujours été attirés par les représentations du féminin, nus compris. Ado, quand je faisais du pixel-art, ou de la photomanipulation mes sujets étaient toujours des femmes. Même bien plus tard, quand je suis passée sur le Digital painting, j’ai continué avec les portait féminins. (Bon, c’est beaucoup moins le cas en ce moment, mais c’est parce que l’abstrait et la création d’objets m’attire plus que la figuration ^^).
Un jour je suis tombée sur le témoignage d’une modèle qui expliquait qu’elle avait abandonné le milieu de la photographie parce qu’elle jugeait le fait de photographier des corps nus sexiste. Elle avait été confronté à un milieu très masculin et les photographes derrière l’objectif – tous des hommes – l’ont clairement sexualisé et objectifié. Je pense que son jugement était biaisé, mais ça m’a quand même fait me poser des questions, notamment sur la représentation, le fait que j’avais moi-même tendance à ne mettre en avant que des corps qui correspondait au standard admis de beauté (femmes blanches, minces, pulpeuses, etc.)
Du coup, maintenant, j’essaye de faire un peu plus attention à ça. (Et d’ailleurs, c’est aussi un peu pour que ça que j’aime bien ton travail, parce que tu ne figures pas que des femmes blanches^^).
Tu as raison, c’est vrai que le milieu de la photographie est encore très masculin, on ne voit que peu le travail des femmes photographes et je comprends le ressenti de ce modèle. J’ai longtemps dessiné des femmes blanches, tu sais. L’important, c’est de se rendre compte de nos biais et de ne plus fermer notre esprit. Aujourd’hui, je ne me pose plus la question, mais ça n’a pas toujours été aussi évident. Bravo d’avoir su évoluer sur la question toi aussi. Et j’adore tes créations abstraites aussi !
Le puritanisme américain est dans l’ADN de ces plateformes. Ça ne me surprend pas, finalement, qu’elles censurent ce qui pourrait ressembler à un morceau de sein ou à un pubis. Dans le même temps, elles trouvent normal de montrer des armes, y compris sur les comptes des mineurs.
C’est un peu un poncif, c’est vrai, et une fois qu’on a dit ça, que faire d’autre ?
Je suis d’accord avec toi, la seule solution reste de reprendre sa liberté. Ces plateformes n’ont que le pouvoir que nous voulons bien leur donner, collectivement et individuellement.
Oui, l’art, le vrai, montre aussi des corps nus. Le corps humain est une des plus belles choses qui soit, et parmi les plus fragiles.
Que tu continues, comme d’autres, à le peindre, le dessiner, le célébrer me rend plus optimiste sur l’avenir de l’Humanité.
J’ai conscience du côté un peu poncif de notre point de vue, ça n’en demeure pas moins vrai 🙂
Je crois de plus en plus que les artistes vont réussir à se défaire de l’emprise des réseaux et trouver d’autres façons de montrer leur travail sans le brider. J’avais une discussion passionnante avec une agente artistique qui voit des photographes se faire virer d’Instagram et rebondir sans l’appui de ces plateformes. Je suis persuadée que c’est possible.
Des remarques passionnantes sur la liberté de création, merci de ce partage.
Bon, moi de mon côté, je suis plutôt pudique, mais tes œuvres sont tellement belles que je ne suis pas du tout choquée par la nudité de tes sujets.
J’ai été beaucoup plus choquée par un article récent de Creapills présentant l’origine du monde avec des fruits…
Bref, continue à nous émerveiller et vive les blogs, qui nous permettent de conserver notre liberté !
Ah je n’ai pas vu cet article de Creapills, je pense que je trouverais l’idée plutôt amusante en fait 😀
Je comprends qu’on soit pudique (je le suis dans la vie, je vais pas me balader en mode naturiste par exemple ^^), c’est aussi notre éducation qui veut ça. Je fais surtout attention au message envoyé par les grosses plateformes concernant leur concept de pudeur qui consiste à effacer, bannir.