Peindre du nu à l’époque des réseaux commerciaux, est-ce une bonne idée ?

En 2022, j’ai recommencé à peindre du nu et à le mettre dans la boutique. Et parfois, j’ai l’audace de les montrer sur les réseaux sociaux.

Peindre du nu à l’ère des réseaux sociaux, bonne ou mauvaise idée ?

Je ne devrais même pas avoir à me poser la question, pourtant ça me travaille. Depuis que je me suis lancée comme artiste indépendante et illustratrice, je suis obligée d’y penser.

Où est passée la liberté créative dont je disposais quand l’art n’était pas mon métier ?

Tu sais, à l’époque où ça ne me posait pas de problème de peindre ceci :

Une femme dotée de 4 bras entourée de ses amants et appuyée sur un lien blanc. Aquarelle originale par Aemarielle

Ishtar – la faiseuse de rois – aquarelle originale 2019 24 x 32 cm

Pourquoi peindre du nu est mal vu aujourd’hui

Florilège de tout ce que j’ai vu passer ou entendu personnellement sur la question :

  • “Personne n’achètera ça !”
  • “Les gens n’oseront pas afficher du nu dans leur salon” (alors qu’ils adorent ça en secret.)
  • “Tu risques le bannissement d’Instagram” (c’est vrai.)
  • “Les internautes un peu chatouilleux se feront une joie de signaler ton compte pour qu’il soit fermé.”
  • “Parce que le nu, c’est du porno, voyons !” (Remarque reçu d’une membre de ma famille, véridique)

Les réseaux propriétaires n’aiment pas le nu et le font savoir

Quand j’ai créé ma boutique en ligne, j’ai voulu être pro et utiliser tous les outils à ma disposition. J’ai installé Facebook Pixel, Pinterest pour Woocommerce et tout le nécessaire pour vendre mon art via ces plateformes.

Pire idée du monde !

Facebook et Instagram supprimaient régulièrement mes créations de leur système de shopping dès qu’on voyait un bout de téton dépasser. Ma boutique sur Pinterest a d’ailleurs été fermée sans préavis quand j’ai publié par mégarde une de mes aquarelles érotiques de mon site sur leur catalogue.

J’ai flippé, je t’avoue. J’avais passé un temps fou à paramétrer ma boutique Pinterest pour obtenir ce fichu badge de commerçante certifiée. On m’a invitée à supprimer mon illustration de mon propre site web si je voulais retenter d’obtenir ma certification. Voici Héra et Zeus amoureux, la peinture problématique, qui est toujours disponible dans la boutique :

La déesse Héra et son époux Zeus en pleine étreinte amoureuse

Héra et Zeus amoureux – aquarelle originale 2022 par Aemarielle

 

J’ai vu rouge. Depuis quand une plateforme externe veut me dicter ce que j’ai le droit ou non de publier chez moi ?

Autant te dire que je n’ai plus de boutique chez eux. J’ai supprimé toutes leurs balises et extensions.

En 2023, J’ai également fermé Facebook et Instagram shopping.

Bye bye Facebook Pixel.

Sans le moindre regret ni le moindre impact sur mes ventes. La cerise sur le gâteau ? Ils ne collectent plus tes données par mon intermédiaire.

Une société rendue “pudibonde” par ces mêmes réseaux

J’ai grandi dans les années 80, je peux te dire qu’on était moins regardants sur le sujet de la nudité et du sexe qu’aujourd’hui. Ok, la sexualisation féminine était forte, mais elle ne l’est pas moins aujourd’hui. Elle est juste enrobée d’un vernis marketing plus subtil.

Aujourd’hui, les gens sont gênés par la présence de seins nus, de femmes qui allaitent en public. Jamais par les hommes peu vêtus, hein. Toujours par le corps féminin.

“Ses seins sont un peu trop gros”, m’a dit une internaute à propos d’une de mes nymphes. Ah bon, mais pourquoi c’est dérangeant une femme dotée d’une forte poitrine ? Des tas de femmes ont des seins imposants, en quoi est-ce un sujet de discussion ?

Une danseuse indienne avec un serpent lové autour de ses épaules - aquarelle Aemarielle

La danseuse au serpent – aquarelle originale par Aemarielle – 2021

Pourquoi je continue à peindre du nu malgré tout

On a beau faire comme si ça ne nous touchait pas, ça nous atteint. Malgré moi, j’ai écouté les arguments ci-dessus. Je créais pour satisfaire Instagram et auto censurais plus ou moins consciemment mon travail.

Ce n’est pas confortable de se bâillonner, tu sais. Chasse le naturel, il revient au galop.

J’aime peindre des nymphes, des fées, des déesses et des couples qui s’aiment. C’est tout.

On m’a survendu le fait qu’Instagram est indispensable aux artistes modernes.

C’est faux !

Je ne peux pas travailler avec des « partenaires » qui considèrent mon travail comme inapproprié. Le corps féminin n’a rien d’inapproprié.

Ce n’est pas à moi de changer mon art. Je veux continuer à représenter le corps féminin sous toutes ses formes.

Je suis partie en quête d’un internet plus accueillant.

Quitter les réseaux sociaux ?

J’y ai pensé et ai essayé plusieurs fois.

Je ne crois plus au fait de quitter totalement les réseaux, mais de trouver ceux qui nous correspondent.

La plupart des réseaux sociaux ne sont pas les amis des artistes. Leur intérêt est de vendre des encarts publicitaires, pas de mettre en avant des créations. À l’époque où j’y étais présente, Twitter était la seule plateforme qui ne censurait pas la nudité.

Avec l’arrivée d’Elon Musk, j’ai supprimé mon compte Twitter et me suis dirigée vers le Fediverse. Un ensemble de plateformes décentralisées et libres, sans le poids d’un algorithme de suggestion de contenu ni celui des annonceurs.

Je me suis installée sur l’instance Piaille.fr, un serveur Mastodon.

Cette instance permet de poser un filtre pour prévenir les internautes d’un contenu qui pourrait les déranger. C’est super rassurant pour tout le monde.

Je peux publier du nu, de l’érotique sans m’inquiéter de la censure tant que je pose un avertissement de contenu.

Cesser de s’appuyer sur les réseaux commerciaux

Je trouve qu’on donne beaucoup trop de pouvoir aux réseaux sociaux propriétaires dans notre communication. Le pouvoir de contrôler où les artistes publient, mais aussi ce qu’iels publient.

Et petit à petit, le corps féminin (entre autre) est perçu par les internautes comme dérangeant.

Cultiver son propre site internet

C’est ce qui me pousse à utiliser ma propre plateforme, même si elle n’est pas encore très connue. Je pense que chaque artiste devrait avoir son site internet et limiter sa dépendance aux réseaux sociaux.

J’essaye de rendre le mien aussi vivant que possible, d’y publier régulièrement des nouveautés.

J’y ai supprimé plein de choses :

  • Les statistiques de mesure d’audience
  • Les traqueurs des réseaux commerciaux
  • Google font
  • Les médias embarqués qui déposent des cookies et cie.

Je veux que les visiteurs y trouvent mes créations facilement sans devoir vendre leur âme. Un cocon protecteur dans l’océan de pub d’internet.

C’est sans doute utopique, mais je suis quelqu’un d’optimiste.

Regagnons notre liberté créative.

Moi je retourne peindre des madames toutes nues.

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Marie-Gaëlle

Marie-Gaëlle

Artiste indépendante - Illustratrice

Illustratrice de L'Oracle des Gardiennes sacrées aux Editions Eyrolles.

Créatrice d'univers féeriques, féminins et délicieusement érotiques à l'aquarelle.

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8 Commentaires

  1. Adeline

    Tu as parfaitement raison. En tant qu’autrice je n’utilise Instagram que pour mon inspiration. Je ne publie pas et je ne cherche pas à avoir des abonnements. Je suis sur Twitter car j’y ai une petite communauté toute mimi, j’ai les infos dont j’ai besoin.
    En ce moment je construis mon site et ma newsletter. Je trouve cela plus rassurant de maîtriser même si c’est plus long de se faire connaître au moins je ne dépends que de moi-meme.
    Bon courage ! Et longue aux madames nues.

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    • Aemarielle

      Je suis tellement contente que tu bâtisses ta plateforme à toi en complément de Twitter ! Vraiment, je pense que tu fais un excellent choix pour l’avenir. Il faut de la patience pour récolter les fruits de ton travail, mais tu seras tellement heureuse d’avoir commencé maintenant ! N’hésite pas à me solliciter si tu as besoin de conseils, ce sera avec plaisir.

      Réponse
  2. Edorielle

    C’est super intéressant, ce que tu soulèves là !

    Perso, je fais partie des gens qui ont toujours été attirés par les représentations du féminin, nus compris. Ado, quand je faisais du pixel-art, ou de la photomanipulation mes sujets étaient toujours des femmes. Même bien plus tard, quand je suis passée sur le Digital painting, j’ai continué avec les portait féminins. (Bon, c’est beaucoup moins le cas en ce moment, mais c’est parce que l’abstrait et la création d’objets m’attire plus que la figuration ^^).

    Un jour je suis tombée sur le témoignage d’une modèle qui expliquait qu’elle avait abandonné le milieu de la photographie parce qu’elle jugeait le fait de photographier des corps nus sexiste. Elle avait été confronté à un milieu très masculin et les photographes derrière l’objectif – tous des hommes – l’ont clairement sexualisé et objectifié. Je pense que son jugement était biaisé, mais ça m’a quand même fait me poser des questions, notamment sur la représentation, le fait que j’avais moi-même tendance à ne mettre en avant que des corps qui correspondait au standard admis de beauté (femmes blanches, minces, pulpeuses, etc.)
    Du coup, maintenant, j’essaye de faire un peu plus attention à ça. (Et d’ailleurs, c’est aussi un peu pour que ça que j’aime bien ton travail, parce que tu ne figures pas que des femmes blanches^^).

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    • Aemarielle

      Tu as raison, c’est vrai que le milieu de la photographie est encore très masculin, on ne voit que peu le travail des femmes photographes et je comprends le ressenti de ce modèle. J’ai longtemps dessiné des femmes blanches, tu sais. L’important, c’est de se rendre compte de nos biais et de ne plus fermer notre esprit. Aujourd’hui, je ne me pose plus la question, mais ça n’a pas toujours été aussi évident. Bravo d’avoir su évoluer sur la question toi aussi. Et j’adore tes créations abstraites aussi !

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  3. Germain Huc

    Le puritanisme américain est dans l’ADN de ces plateformes. Ça ne me surprend pas, finalement, qu’elles censurent ce qui pourrait ressembler à un morceau de sein ou à un pubis. Dans le même temps, elles trouvent normal de montrer des armes, y compris sur les comptes des mineurs.

    C’est un peu un poncif, c’est vrai, et une fois qu’on a dit ça, que faire d’autre ?

    Je suis d’accord avec toi, la seule solution reste de reprendre sa liberté. Ces plateformes n’ont que le pouvoir que nous voulons bien leur donner, collectivement et individuellement.

    Oui, l’art, le vrai, montre aussi des corps nus. Le corps humain est une des plus belles choses qui soit, et parmi les plus fragiles.

    Que tu continues, comme d’autres, à le peindre, le dessiner, le célébrer me rend plus optimiste sur l’avenir de l’Humanité.

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    • Aemarielle

      J’ai conscience du côté un peu poncif de notre point de vue, ça n’en demeure pas moins vrai 🙂
      Je crois de plus en plus que les artistes vont réussir à se défaire de l’emprise des réseaux et trouver d’autres façons de montrer leur travail sans le brider. J’avais une discussion passionnante avec une agente artistique qui voit des photographes se faire virer d’Instagram et rebondir sans l’appui de ces plateformes. Je suis persuadée que c’est possible.

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  4. Nathalie Bagadey

    Des remarques passionnantes sur la liberté de création, merci de ce partage.
    Bon, moi de mon côté, je suis plutôt pudique, mais tes œuvres sont tellement belles que je ne suis pas du tout choquée par la nudité de tes sujets.
    J’ai été beaucoup plus choquée par un article récent de Creapills présentant l’origine du monde avec des fruits…
    Bref, continue à nous émerveiller et vive les blogs, qui nous permettent de conserver notre liberté !

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    • Aemarielle

      Ah je n’ai pas vu cet article de Creapills, je pense que je trouverais l’idée plutôt amusante en fait 😀
      Je comprends qu’on soit pudique (je le suis dans la vie, je vais pas me balader en mode naturiste par exemple ^^), c’est aussi notre éducation qui veut ça. Je fais surtout attention au message envoyé par les grosses plateformes concernant leur concept de pudeur qui consiste à effacer, bannir.

      Réponse

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