Chaque aquarelliste a ses astuces et ses techniques préférées. Récemment, Valentine, l’artisane derrière La Palette de la Merlette, m’a demandé quelles étaient les miennes.
Le choix est difficile : il y a tellement de techniques cool à l’aquarelle ! Dégradé, lavis, peinture dans l’humide, j’aime toutes ces façons de manier les pigments.
Mais il faut bien faire une sélection alors j’ai retenu deux techniques d’aquarelle que j’adore. Et pour bien faire, je vais les présenter avec Jorōgumo, une aquarelle sur laquelle je les ai utilisées !
Si tu veux en savoir plus sur Jorōgumo, j’ai écrit un article sur la collection des Esprits japonais à laquelle elle appartient.
L’original de Jorōgumo est disponible à l’achat dans la boutique en ligne si tu craques sur cette œuvre.
Mes techniques d’aquarelle préférées appliquées sur Jorōgumo
Ok, je ne te fais pas languir plus longtemps ; ces deux techniques sont la peinture en négatif et le glacis.
Quand j’ai conceptualisé cette illustration à l’aquarelle, la seule technique que j’avais en tête pour sa toile, c’était la peinture en négatif. Au fil de sa création, j’ai inclus le glacis dans le processus pour lui donner davantage de profondeur.
La peinture en négatif
J’ai déjà expliqué ce qu’était la peinture en négatif sur le blog, mais voici un résumé en quelques mots :
Le principe, c’est de construire des formes en peignant l’extérieur et non l’intérieur. On laisse des silhouettes se former en peignant autour d’elles.
Voyons ça avec notre belle femme-araignée.
Dans le cas de la toile de soie de Jorōgumo, j’avais uniquement défini les fils du premier plan de la toile au crayon sur le dessin préparatoire.
Étape 1 : poser une couleur d’ambiance
J’ai préparé un mélange gris bleu très clair que j’ai posé sur toute la surface de la feuille à l’exception des fils que j’avais dessiné. Ainsi, à la deuxième couche, je pourrai créer des fils gris clairs en arrière-plan.
Étape 2 : Je pose la première série de fils en négatif à l’aquarelle
Une fois que le fond est bien sec, j’assombris mon mélange pour peindre la deuxième couche.
Là, je construis un réseau de fils en peignant l’extérieur pour que mes fils ressortent en plus clair sur le fond de plus en plus sombre.
Étape 3 : on continue d’assombrir la couleur du fond
La peinture en négatif permet de construire un effet de profondeur en donnant l’impression que les formes se détachent par superposition sur un fond de plus en plus foncé. Chaque couche de soie devient également plus sombre à mesure que je fonce le mélange de peinture.
Evidemment, l’effet ne fonctionne que si on laisse bien sécher l’ensemble après chaque couche d’aquarelle.
Étape 4 : on rajoute autant de couche que nécessaire jusqu’au résultat souhaité
Sur une petite aquarelle, ça peut aller très vite. Jorōgumo, elle, mesure 30 cm x 40 cm. Autant dire que chaque couche de peinture en négatif me demandait des heures pour définir les innombrables fils que tisse notre délicieux yokai.
Et le glacis alors ?
Qu’est venu faire le glacis dans cette histoire ?
Bon déjà, je vais t’expliquer de quoi je parle, surtout si tu ne pratiques pas l’aquarelle.
C’est quoi un glacis à l’aquarelle ?
Il s’agit d’une technique qui consiste à mélanger des couleurs, non pas dans un récipient, mais directement sur le papier.
En fait, on superpose des couches de couleurs les unes après les autres.
Pourquoi j’ai utilisé cette technique d’aquarelle sur Jorōgumo ?
Quand j’ai eu fini les je-ne-sais-plus-combien de couches de peintures en négatif et que j’ai observé le résultat de loin, j’ai constaté quelques points à améliorer :
- il manquait quelque chose pour faire vraiment ressortir les fils du premier plan et les différencier de ceux qui étaient supposés être juste derrière. Si tu regardes la photo précédente, l’ensemble est un peu fouillis.
- Certaines zones étaient dans des tons légèrement plus foncés ou plus clairs selon les endroits (là encore, voir photo ci-dessus). Ce qui n’a rien d’étonnant quand on peint de grandes surfaces, les mélanges de couleurs ont tendance à varier.
Le glacis m’est apparu comme la meilleure option pour harmoniser le rendu de la toile.
Néanmoins, il faut utiliser cette technique avec prudence car elle peut être traîtresse.
Comment faire un glacis ?
Pour réaliser un beau glacis, il faut des couleurs assez transparentes, qui vont joliment se superposer aux précédentes et donner une nouvelle nuance très vibrante.
- Si on choisit des pigments opaques, on risque de recouvrir la couleur précédente et de la cacher au lieu de la faire ressortir.
- De même, un glacis se réalise sur papier sec. Si ce n’est pas le cas, on va juste mélanger les pigments et on risque même de les faire partir. Dans ce cas-là, on obtient des zones blanches peu esthétiques.
Donc on est patient, on sèche bien sa feuille et on pose une couleur transparente qui va venir illuminer la zone du glacis.
Dans mon exemple, j’ai utilisé un glacis violet tirant sur le rouge sur toutes les zones en arrière plan du personnage et des plus gros fils. Et tout de suite, j’ai constaté la différence.
La toile en arrière plan devient plus douce, contraste davantage avec le premier plan et les différences de couleurs s’estompent instantanément.
Et voilà ! Ce que j’adore, c’est qu’on voit les pigments rouges ressortir délicatement à la surface du papier, ça donne un côté encore plus mystérieux et dangereux à l’illustration.
À partir de ce moment-là, j’avais un fond parfait pour commencer à peindre notre Jorōgumo.
Ce qui est génial avec l’aquarelle, c’est la richesse des couleurs et l’infinité de nuances qu’on peut obtenir en mélangeant les techniques.
La peinture en négatif et le glacis font partie de mes techniques d’aquarelle préférées pour créer des effets saisissants, mais ce medium permet encore tellement de choses que j’aurais du mal à limiter mes choix à ces deux-là.
J’espère que cette incursion dans mes secrets de fabrication t’ont plu et que tu as désormais une meilleure idée de la façon dont je crée mes illustrations à l’aquarelle.
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Waaah c’est génial ces coulisses je suis amoureuse de cette technique apprise grâce à ta vidéo youtube ! J’ai du beaucoup de mal à la comprendre. Il est si logique qu’à l’aquarelle le blanc s’obtient en ne peignant pas le papier, que je ne comprenais pas la différence. Il n’y en a pas en fait. Simplement on dessine un motif en peignant autour des zones. C’est quand même différent finalement !
Le résultat est superbe… le glacis apporte en effet la touche finale parfaite.
Je me demandais si tu avais peint la toile du fond avec des traits déjà crayonnés … et non ! Bluffée je suis !!
Ah non mais c’est super difficile à expliquer la peinture en négatif. C’est pour ça que j’ai d’abord fait une vidéo, parce que quand on regarde, c’est tout de suite plus clair ^^
Et non, je ne trace pas de traits préalables pour les zones en négatif, je me laisse porter par le pinceau et l’envie 🙂